[Bénin Révélé Mag] – Le président du Bénin a indiqué que les bateaux des entreprises chinoises ne peuvent pas entrer dans les eaux béninoises pour transporter le pétrole nigérien qui y passe par un pipeline. Donc, interdiction d’embarquement du pétrole nigérien via Sèmè-Kraké. Ceci à cause de la fermeture de la frontière Niger – Bénin que les autorités nigériennes refusent de lever, soit disant par crainte d’une attaque du Bénin.
Dans cette déclaration faite hier, 08 mai 2024, au Palais de la Marina, le président Patrice Talon rassure les autorités nigériennes et les invite à lever les verrous à la frontière pour permettre les échanges entre les deux pays et ainsi autoriser le passage du pétrole nigérien qui transite par le Bénin via un pipeline débouchant sur les eaux béninoises.
Bénin Révélé Mag vous propose l’intégralité de la déclaration de Patrice TALON.
« La situation qui prévaut actuellement entre le Niger et le Bénin et principalement entre les autorités nigériennes et les autorités béninoises est malheureuse et me peine. Le Bénin est un pays ami et frère du Niger. Nos peuples sont parents, frères et vivent ensemble depuis la nuit des temps. Ce sera toujours ainsi éternellement.
Si vous vous rappelez bien, le Bénin a été, à travers ma voix, l’un des tout premiers pays à plaider pour la levée des sanctions contre le Niger. Nous avons bataillé pour que la situation au Niger soit normalisée.
Ayant pris acte du changement politique qu’il y a eu, bien que contraire aux dispositions universellement reconnues qui recommandent la voix des élections, nous avons pris acte. J’en ai parlé plusieurs fois. Il y a un temps pour condamner, un temps pour souhaiter un rétablissement de la loi constitutionnelle. Mais aussi, un temps pour prendre acte.
Donc, le Bénin a été l’un des tous premiers à plaider J’ai plaidé pour que les sanctions soient levées et que la situation au Niger revienne à la normale. Et le Bénin a mis en œuvre tout de suite les mesures de levée des sanctions. Nous avons ouvert les frontières.
Il est malheureux de constater que depuis, ce n’est pas le cas du côté des autorités nigériennes. Nous avons pris notre patience, parce que notre souhait est que les deux peuples continuent de vivre ensemble dans l’harmonie et que les autorités de part et d’autres travaillent au développement commun, à la lutte contre le terrorisme, contre l’insécurité qui sévit actuellement au Nord du Bénin, notamment en provenance des pays du Sud, des pays du Sahel, le Burkina et le Niger. Mais malheureusement, on n’observe pas que le temps passe.
On apprend que le Bénin aurait massé des troupes à sa frontière avec des forces étrangères pour envahir le Niger. Ce qui, du commun des vivants, est totalement ridicule. Il n’y a pas de raison que le Bénin agresse le Niger ou les Nigériens avec des forces étrangères. On ne sait pas d’où cela provient. Est-ce que c’est juste parce qu’il faut un bouc émissaire ? Je ne sais pas. Bref, toujours est-il, que nous n’avons pas manqué d’occasions pour envoyer des messages aux autorités nigériennes de notre disponibilité à collaborer, à reprendre la collaboration comme jadis. Il y a quelque temps, nous avons même permis que les produits agricoles du Bénin aillent au Niger, parce qu’il y a une pénurie de denrées de céréales.
Le Bénin est un pays devenu exportateur de céréales, de produits agricoles. Tout le monde a pu observer que, bien que les frontières soient fermées, le Bénin permet que les biens de consommation, notamment les produits agricoles, aillent au Niger. Mais, au pont qui est sur le fleuve Niger à Malanville, qui est le passage formel entre le Bénin et le Niger, la frontière est ouverte du côté Bénin, mais fermée du côté Niger.
« Nous payons un coup lourd au plan économique, au plan social et au plan politique ».
Le bord du fleuve est devenu le champ de trafics et d’échanges de biens. De grosses barques chargent les biens à partir du Bénin. Le mil, le sorgho, le maïs, le riz sont chargés pour traverser la frontière. Donc, il s’est établi un environnement d’échanges informels et de trafics. Toute chose qui contribue à désorganiser l’administration béninoise et à générer un dysfonctionnement des services publics, parce que ce n’est pas la voie normale des échanges.
Mais nous avons fermé les yeux là-dessus, parce que cela sert nos frères et sœurs du Niger qui ont besoin de denrées. Il est malheureux de constater que cette solidarité que nous exprimons à l’égard de nos frères et sœurs du Niger a quand même créé un certain renchérissement du prix des denrées. Notamment du maïs, du mil et du sorgho. Nos compatriotes ont même d’ailleurs commencé à manifester. Nous payons un coup lourd au plan économique et au plan social.
Au plan politique, il y a eu des marches au Bénin contre le renchérissement du prix des denrées, notamment du maïs. Et l’exportation vers les pays voisins, notamment le Niger, est la seule cause. L’unique cause, ce sont des quantités massives qui partent vers ces pays-là pour nourrir leur population au détriment du pouvoir d’achat des Béninois.
Il n’y a pas meilleur acte de solidarité que celui-là. Donc, je vais le répéter : nous payons un coût lourd au plan social, au plan économique et même au plan politique. Nous avons donné.
Notre approbation pour les formalités de mise en œuvre du pipeline qui conduit le pétrole nigérien au Bénin pour être chargé sur la plateforme de Sèmè où des bateaux viendront accoster pour charger le pétrole nigérien par le pipeline.
Mais tout cela relève d’échanges formels organisés et structurés, parce qu’il y a un contrat qui lie le Niger, le Bénin et les entreprises chinoises partenaires du Niger. Nous avons permis que les travaux préparatoires aient lieu au Bénin et les Nigériens sont venus assister à
Ces travaux, bien que la frontière soit fermée du côté du Niger.
Rétablir les relations économiques pour que le pétrole nigérian puisse traverser le Bénin
Il est question que dans les tous prochains jours, les autorités nigériennes, au plus haut niveau, viennent au Bénin pour inaugurer le démarrage des activités de livraison de pétrole et que les bateaux viennent à Sèmè pour charger. Mais nous avons dit que cela ne peut pas se faire de manière informelle, comme c’est le cas des denrées qui vont au Niger. C’est vrai que pour nourrir nos frères et sœurs, pour vendre des céréales au Niger, nous avons permis l’informel, parce que ce sont quand même nos frères qui ont besoin de manger.
Mais allons-nous transformer et rendre informelles toutes les relations économiques, sociales et politiques entre le Niger et le Bénin ? C’est trop sérieux. Ce sont des contrats qui lient des pays et des entreprises. Nous avons dit que cela ne peut pas être fait de manière informelle. Il faut que les relations économiques soient rétablies pour que les biens, notamment ce pétrole, puissent traverser le Bénin et être chargés.
C’est ce que nous avons dit. Mais nous n’avons pas reçu de réponse. C’est à croire que les autorités nigériennes préfèrent que le pétrole nigérien traverse le Bénin de manière informelle, soit chargé dans nos eaux de manière informelle, parce qu’elles estiment que le Bénin est un pays ennemi. Peut-être que les autorités béninoises sont des ennemis. Alors, si nous sommes vus comme des ennemis, que notre maïs soit aussi vu comme ennemi. Le Sorgho et le mil qui vont au Niger sont-ils devenus des produits ennemis du Niger ? Pourtant, nous les laissons partir. On ne peut pas nous voir comme des ennemis et vouloir de nos biens, de nos efforts et de notre collaboration (…). Ce n’est pas notre vision. Le Niger est un pays ami. Les Nigériens sont nos frères et sœurs. Les autorités nigériennes sont des partenaires. Nous pouvons travailler ensemble.
Nous avons dit que nos eaux territoriales du Bénin qui font partie de l’espace du territoire du Bénin ne peuvent pas faire l’objet d’un trafic illicite et d’échanges informels. Si vous voulez charger votre pétrole sur nos plateformes, dans nos eaux, alors vous devez considérer que le Bénin n’est pas un pays ennemi. Et que le territoire du Bénin ne peut pas faire l’objet de trafics illicites et d’échanges informels.
Aucun intérêt à agresser le Niger
Nous n’avons pas refusé de mettre à contribution notre territoire, notre administration et nos moyens pour les échanges entre le Niger et le Bénin. Nous disons que cela doit se faire de manière formelle. C’est tout. Si demain les autorités ne décident pas de collaborer avec le Bénin de manière formelle, les bateaux viendront charger, mais pas dans un environnement informel et d’adversité qui ne se justifie pas. Voilà la situation. Et je suis malheureux de le constater et j’appelle de tous mes vœux les autorités nigériennes pour que le Bénin et le Niger retrouvent la fraternité qui a toujours existé.
Je peux les rassurer que le Bénin n’agressera jamais le Niger. Il n’est pas de notre intérêt. Nous n’avons aucun intérêt à le faire. Ce n’est pas dans nos intentions. Pourquoi on le ferait ? Pourquoi le Bénin serait un pays ennemi adversaire du Niger ? Pourquoi les autorités béninoises seraient des adversaires des autorités nigériennes ? Il n’y a pas de raison !
Je saisis donc cette occasion pour leur adresser un message de fraternité, d’amitié et de solidarité. Et leur dire que le Bénin restera dans cette dynamique tout le temps. Aussi longtemps qu’ils le voudront.
À quelle condition allez-vous autoriser les navires à mouiller les eaux béninoises ?
Il suffit que les autorités nigériennes le veuillent. S’ils le veulent, ce soir, ce sera le cas.
Bien sûr, on ne peut pas dire que les échanges avec le Bénin sont interdits, que le Niger ne veut aucun échange avec le Bénin et demander que les bateaux partenaires du Niger viennent accoster dans nos eaux. Nous n’avons pas de conditions. Nous sommes ouverts. Nous le voulons bien. Cela dépend d’eux. Ce sont eux qui refusent. Ce n’est pas le Bénin qui refuse. Ils refusent que le Bénin et le Niger échangent. Ils refusent que les camions traversent le Bénin. Ils refusent que le port de Cotonou serve le Niger. Ils refusent. Moi, je le veux bien.
Donc, je considère qu’ils refusent aussi que la plateforme de Sèmè serve le Niger. Le Niger ne nous a pas saisi officiellement d’une raison particulière pour laquelle ils ont gardé leur frontière fermée. Ils ne nous ont pas saisi officiellement non plus de leur volonté d’envoyer des bateaux chargés. Ils ne l’ont pas dit Ce sont des entreprises chinoises qui nous informent des intentions des autorités nigériennes.
D’ailleurs, cette formule n’est pas convenable. Les États n’échangent pas entre eux via des prestataires privés. Nous sommes ouverts. Nous attendons et nous avons seulement dit aux Chinois qu’Attention ! Il ne peut pas y avoir de bateaux chinois dans nos eaux pour charger des produits nigériens que les Nigériens eux-mêmes ont interdit de traverser le Bénin. Ce sont les Nigériens qui interdisent cela. Quand vous fermez vos frontières, vous fermez des frontières pour les produits allant chez vous. Pareil pour les produits venant de chez vous vers nous.
Donc, les Nigériens ont interdit. Nous avons dit aux Chinois : « Attention ! » Ce n’est pas nous. Nous prenons acte des dispositions que les Nigériens ont mises en place actuellement dans le cadre des échanges entre le Bénin et le Niger. C’est pour prévenir les Chinois, afin que les bateaux ne viennent pas rester dans nos eaux indéfiniment. Pour les faire comprendre qu’attention, vous ne pouvez pas venir charger des produits, alors que les Nigériens refusent.
J’ai personnellement envoyé des émissaires. Le ministre des Affaires étrangères, par exemple. Nous tentons de parler avec eux. Nous sommes même actifs dans le rétablissement de la coopération avec le Niger. Et là-bas, on n’a pas de réponse. Je vous le dis, je suis malheureux. Il n’y a pas de raison que le Bénin ne veuille pas entretenir avec le Niger des relations d’amitié, de fraternité et de bon voisinage. « Merci. »
Revoir en vidéo la déclaration de Patrice TALON