(Bénin Révélé Mag) – C’est un président de la République remonté que les grossistes répartiteurs pharmaciens ont rencontré ce vendredi 30 mars 2018. D’entrée de jeu, le président Patrice Talon, leur a dit qu’il n’est pas fier de leurs actions. « Les résultats des premières enquêtes sur le fléau (importation illégale des médicaments sans suivre les formalités requises, ndlr) nous ont terrassé. J’ai été assez surpris par l’ampleur de ce phénomène que la plupart de nos grossistes s’approvisionnent à travers un réseau illicite. Je peux dire que je ne suis pas fier de vous. Je connais la plupart des concernés et je peux vous dire droit dans les yeux que je ne suis pas fier de vous », leur a lancé le président Patrice Talon.
En réalité, le président de la République indique que les Béninois consacrent le peu de revenus dont ils disposent à se soigner. « Et à défaut de nous soigner, nous nous rendons davantage malade », constate le président, avec l’achat des produits pharmaceutiques dont l’origine ne saurait être tracée. Ce qui contribue à semer le doute auprès de nombreux citoyens. « Beaucoup de Béninois disposant des moyens s’approvisionnent en médicaments à l’étranger », relève le président déterminé à changer la donne. Mais aussi, Patrice Talon a écouté les raisons qui ont amené les grossistes répartiteurs à la fraude.
Après avoir écouté les pharmaciens, le président Patrice Talon dit avoir été scandalisé du fait que les pharmaciens passent des commandes à New Cesamex, société établie à Kinshasa en RDC, sans se soucier des conditions de production et de livraison jusqu’au domicile de ces médicaments. En effet, après les résultats de l’enquête commandée par le président, New Cesamex, qui livre les médicaments aux grossistes béninois, ne dispose pas de laboratoires ni en Inde et encore moins en RD Congo.
« Des propos honteux »
Le président Patrice Talon a expliqué à ses hôtes qu’un fournisseur non installé régulièrement au Bénin et qui ne dispose pas d’agrément pour installer, stocker et vendre au Bénin ne peut leur fournir des médicaments franco domicile. Ce qui signifie que c’est le destinataire qui paiera automatiquement les droits de douane et les frais de courtage. Car, dans la pratique, expliquent les pharmaciens, c’est le fournisseur qui devrait obtenir les autorisations d’importations.
« Entendre les professionnels qui connaissent le droit et leurs obligations avancer de tels propos est honteux. En vos qualités de grossistes-importateurs, une chose est d’importer des médicaments régulièrement autorisés à être commercialisés au Bénin et commander auprès des laboratoires qui ont obtenu les autorisations de mise sur le marché au Bénin, une autre chose est de satisfaire aux obligations d’enlèvement de ces médicaments aux frontières du Bénin, de mise en consommation de ces produits, des renseignements à fournir aux autorités compétentes pour la traçabilité et pour les contrôles de qualité », leur a rappelé le président.
C’est donc au grossiste répartiteur pharmacien qui passe la commande des médicaments par mail à un fournisseur installé hors du Bénin que revient la responsabilité de faire les formalités au port de Cotonou, à l’aéroport de Cotonou, aux frontières terrestres. « En vous soustrayant de ces formalités, vous déclarez tout au moins que vous êtes complices de fraudes douanières. Puis de fraudes administratives. Ce faisant, vous êtes activement complices d’une soustraction des produits soumis aux formalités de contrôle. Ce qui donne la possibilité à la direction de la pharmacie de prélever les échantillons pour les contrôles requis… », indique le président aux pharmaciens.
« Faute impardonnable »
Patrice Talon a donc insisté : « Vous avez l’obligation d’informer l’administration des commandes que vous passez, de vous rendre à la Direction de la pharmacie pour obtenir l’autorisation d’enlèvement de ces médicaments et de fournir ce document aux autorités portuaires ».
Pour le président de la République, ne pas respecter cette procédure est une « faute impardonnable », surtout quand il s’agit des professionnels. En clair, laisse entendre le président, ce n’est pas de la responsabilité du laboratoire d’effectuer les formalités de contrôle et de vérification de la conformité des médicaments entrants sur le territoire ou les formalités de demande d’enlèvement. C’est de la responsabilité de celui du grossiste qui importe ces médicaments.
A la suite de la découverte du processus frauduleux, Patrice Talon indique qu’il aurait dû retirer l’agrément à tous les grossistes. Ce qui aurait provoqué une catastrophe. Mais, il a laissé ceux-ci fonctionner. Tout en espérant que « la situation actuelle est de nature à approvisionner le marché avec des produits dignes de votre sacerdoce », leur a-t-il averti.
Quelques solutions
Les grossistes répartiteurs pharmaciens qui indiquent avoir été floués par New Cesamex ont promis d’être plus vigilants à l’avenir. Irénée Ologoudou du conseil d’administration du Gapob explique : « Nous avons subi des disfonctionnements dans l’approvisionnement des produits de New Cesamex. Nous avons été pris au piège de New Cesamex, car nous venons juste d’apprendre que le laboratoire n’existe pas et nous sommes surpris de constater qu’il n’a ni des laboratoires en Inde, ni au Congo. Ce qui est encore plus grave, car quand ils ont eu des autorisations, ils étaient censés avoir des laboratoires en Inde, puis au Congo. Nous allons faire en sorte que ce genre de chose ne nous arrive plus. Il faut que nous soyons plus regardant. Et que le gouvernement nous aide à être plus regardant sur les laboratoires qui demandent des AMM et à nous réorganiser. »
Certaines pistes de solutions ont été explorées. Parmi les solutions proposées par les administrateurs des sociétés de pharmacies, Irénée Ologoudou du conseil d’administration du Gapob, parlant au nom de cinq grossistes-répartiteurs pharmaciens, propose entre autres solutions, de « mettre en place un département en charge de la valorisation de la médecine traditionnelle et l’autorisation de vente des médicaments traditionnels améliorés dans des circuits formels ; réformer les agences ayant en charge la promotion du médicament (exiger la présence d’un pharmacien responsable afin d’assurer la traçabilité sur toute la chaine) ; redéfinir et vulgariser les actes entrant dans le cadre du monopole pharmaceutique afin de limiter la manipulation des produits pharmaceutiques aux seules personnes compétentes ». D’après elle, ces réformes sont « nécessaires, indispensables voire salutaires ».
En tout cas, la décision du président de la République de mettre de l’ordre dans ce secteur avait été prise bien avant. Patrice Talon le leur a rappelé : « Nous allons réorganiser le secteur. Je me demande si à la suite de ce que je viens d’entendre, nous n’allons pas engager désormais la responsabilité des administrateurs et même des actionnaires dans un domaine aussi sensible dans lequel vos collaborateurs travaillent avec autant de légèreté ».
Un laboratoire digne de ce nom
Parmi les autres solutions proposées par les administrateurs des sociétés de grossistes répartiteurs pharmaciens, la libération de directeurs généraux incarcérés dans le cadre de cette affaire. Ceux-ci implorent le pardon du président. Réponse de Patrice Talon à cette doléance : « Le rôle de la justice c’est de protéger la société » ; « Je ne peux pas intervenir dans une procédure judiciaire en cours ». Mais, il invite les grossistes à participer aux rencontres qui se tiendront cette semaine pour poser les bases d’un nouveau départ dans ce secteur.
« Autant j’entends votre cri de cœur, autant, je vous invite à entendre notre cri de cœur pour l’intérêt de nos populations les plus pauvres et les plus vulnérables. De sorte que dans les jours à venir, quand nous allons mettre en place cette commission de concertation, que nous puissions assez rapidement mettre en place un dispositif qui facilitera le contrôle, qui va instaurer les contraintes difficiles à contourner et toute chose qui vous évitera de la tentation facile… Ensemble, nous allons mettre en place un contrat de responsabilité et de confiance. Ceci pour réorganiser le système. Nous verrons comment les contrôles serons faits et nous allons agréer des gens. Vous pouvez compter sur ma bonne volonté d’aider », promet le président Patrice Talon.
Aussi, le président promet la création prochaine d’un laboratoire et le recrutement et la formation prochaine des pharmaciens. « L’Etat jouera convenablement sa partition. Nous avons déjà entamé des discussions pour installer au Bénin un laboratoire digne de ce nom, avec des compétences en la matière…. Vous savez que nous avons des pharmaciens qui vont à la retraite. Nous allons recruter et former des jeunes dans ce domaine. Dans peu de temps, nous allons faire cet investissement de manière très rapide », promet à nouveau Patrice Talon.
Sa détermination en tout cas est sans faille : « Même si notre sous-région est envahie par ce fléau et qu’elle commence à avoir l’impression que nous sommes dans une certaine fatalité, nous allons montrer que le Bénin peut sortir de là et faire les choses autrement. » Parole de Président !
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