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Les musées du Bénin, façon Patrice Talon

À l’entrée de Porto-Novo – la capitale du Bénin, située dans le sud du pays –, un imposant socle ovoïde de couleur ocre surgit du bitume. Ce sont les fondations du futur Musée international du Vodun (MIV), qui ouvrira ses portes d’ici au troisième trimestre de 2025. Conçu par le duo d’architectes ivoiriens Koffi et Diabaté, ce musée, inspiré des tata somba (les forteresses en terre typiques du pays Somba), s’articulera autour de cinq espaces. L’un d’eux accueillera quatre salles d’expositions permanentes consacrées à la culture vodun. Masques de cérémonie, costumes, objets rituels, instruments de musique, sculptures et peintures y seront exposés, derrière des vitrines ou accrochés aux murs.

Les Vodun Days, nouvelle version

Cette conception muséale calquée sur celles des musées occidentaux peut faire tiquer, d’autant que la plupart des objets cultuels présentés ont une fonction sociale. « Les musées ne doivent pas déroger à la règle de la standardisation, destinée à faciliter la perception de toutes les communautés [humaines] sur ce que le Bénin a à montrer », a indiqué le président Patrice Talon, concepteur du projet, devant un parterre de journalistes étrangers venus assister, en janvier, aux Vodun Days, la cérémonie officielle du vodun instituée en 1992 par Nicéphore Soglo, alors chef de l’État. Cette année, l’événement, qui s’est déroulé sur plusieurs jours, a été repensé selon une nouvelle formule, à la manière d’un festival aux codes tout aussi standardisés.

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Patrice Talon : « Les éléments de langage sont aujourd’hui universels »

Une manière de rendre le patrimoine vodun accessible au plus grand nombre, en misant sur ses spécificités artistiques, sans que la démarche soit artificielle. S’il y a bien un point sur lequel les équipes ont travaillé, c’est celui de la déconstruction des stéréotypes qui entourent cette religion, notamment ceux liés à la sorcellerie ou à la magie. Aucun objet sacré ne figurera parmi les collections de l’établissement, qui se veut laïque, nous dit-on. Un effort de vulgarisation sera cependant mis en œuvre autour du décryptage des mots et des concepts.

L’espace muséal ne sera pas limité aux collections permanentes. Un centre de recherche verra également le jour, au sein duquel le Comité des rites vodun, que préside le professeur Kakpo Mahougnon – ancien ministre des Enseignements secondaires – travaille déjà à l’élaboration d’une encyclopédie du vodun.

Quid des cartels ? Ils seront « inclusifs », nous dit-on. « En fon, en français, en yoruba », assure une source gouvernementale. Mais, pour le chef d’État, aucun doute : « Les éléments de langage sont aujourd’hui universels, on utilise tous les mêmes concepts pour véhiculer des messages différents. Si l’on souhaite adresser son message à la plus grande partie du monde, il faut le faire en anglais. » L’objectif est clair : faire de ce site d’environ 16 000 m2 une étape incontournable pour les touristes venus des quatre coins de la planète et désireux de découvrir le patrimoine béninois, parmi trois autres projets de musées, à Ouidah, Cotonou et Abomey. Un véritable circuit touristique et culturel, en quelque sorte.

Autre cœur de cible de cet ambitieux plan touristique et culturel, qui a vocation à dynamiser l’économie nationale : les afro-descendants. « Il ne s’agit pas d’un musée du vodun béninois. On parle d’une civilisation du vodun à l’échelle de l’océan Atlantique, qui embrasse tous les peuples afro-descendants, les Cubains, les Brésiliens, les Haïtiens, les Caribéens, pour montrer la diversité de cette expression artistique, culturelle et cultuelle », insiste Alain Godonou, directeur « programmes musées » de l’Agence nationale de promotion des patrimoines et de développement du tourisme (ANPT), l’une des quatre agences à qui le gouvernement a confié la responsabilité de piloter chacun des quatre projets muséaux.

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Pour ce faire, le comité s’est rendu dans plusieurs pays d’Amérique du Sud et des Caraïbes, ainsi qu’à La Nouvelle-Orléans et à Trinité-et-Tobago. Un jardin botanique entourera les différents édifices afin que les lieux soient imprégnés des rites de cette religion intrinsèquement liée à la nature.

La grande mosquée de Porto-Novo, de style afro-brésilien. © Patrick Frilet/SIPA

Ouidah et son Fort portugais

À quelques kilomètres de là, dans le quartier Akron, non loin de l’impressionnant temple Abessan édifié et rénové à partir de termitières – ce sable rouge ocre aux couleurs de la ville –, une place entièrement restaurée accueille couvents et lieux de culte réservés à différents voduns. Dans le dédale de cette zone résidentielle, des artistes béninois ont peint des fresques à partir de matériaux naturels pour retracer l’histoire de cette religion. Car les musées ne représentent qu’une étape de ce vaste chantier patrimonial et mémoriel. Coût total de l’opération ? Un milliard d’euros pris sur le budget national, avec une aide de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement. Le point de départ du chantier ? La restitution des biens culturels du Bénin par la France, en 2020.

Si les 26 œuvres restituées sommeillent encore à la Marina – siège de la présidence –, elles seront bientôt hébergées dans le futur Musée des rois et des amazones de Dahomey (Murad), dont les quatre palais ont été réhabilités.

Autre plan de restauration, et non des moindres, Ouidah, berceau du vodun, et son Fort portugais. Seul édifice de ce genre toujours debout, le site, qui a survécu à la traite atlantique, a longtemps été délabré. Aujourd’hui, des dizaines d’ouvriers posent les dernières pierres de la Maison de la mémoire et de l’esclavage (MAME), qui doit ouvrir ses portes cette année. Son parcours s’articulera autour de trois axes : le point de vue africain, centré sur la déportation ; le point de vue américain et caribéen, qui ira de la condition des esclaves aux luttes pour la libération ; le point de vue européen, centré sur le commerce et sur l’essor du capitalisme. Temple des Pythons rénové, places vodun renommées et goudronnées… La cité historique fait peau neuve.

Du patrimoine à la scène contemporaine

Si le patrimoine ancestral est au cœur de ce projet de transformation de l’économie béninoise, la scène contemporaine n’est pas en reste. C’est à Cotonou, dans le village artisanal, que la conception du Musée d’art contemporain a été, là aussi, confiée aux architectes Koffi et Diabaté. Larges baies vitrées, espaces immaculés, lignes horizontales… L’édifice s’inspire de l’architecture des années 1960-1970.

Objectif, faire de ce musée la vitrine des artistes béninois contemporains reconnus, de Dominique Zinkpè à Gérard Quenum, ou émergents et issus de la sous-région. De quoi attirer également les visiteurs étrangers. Une stratégie qui s’accompagnera d’un développement de la capacité hôtelière des trois villes concernées, avec, entre autres, l’aménagement d’une station balnéaire Club Med à Avlékété, un village de pêcheurs situé à Ouidah, et l’ouverture prochaine du Sofitel de Cotonou.

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Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com

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