Le Béninois Ulrich Adjovi, serial entrepreneur du divertissement
« Désolé pour le retard, j’étais sur les chantiers du Finab », s’excuse notre hôte avant de nous introduire dans ses bureaux feutrés de la Haie vive, quartier huppé de Cotonou où est concentrée son activité. Après deux heures d’attente, c’est un Ulrich Adjovi avenant mais « stressé » qui nous reçoit à trois jours du début du Festival international des arts du Bénin (Finab), son nouveau challenge, imaginé neuf mois plus tôt seulement.
Parce que, « homme de défis », Ulrich Adjovi aime faire les choses en majuscules. La première édition du Finab, qui se déroule du 14 au 19 février, a pris ses quartiers dans trois villes : Cotonou, Porto-Novo et Ouidah. Le festival s’est même offert comme tête d’affiche le célèbre créateur de mode nigérien Alphadi. Mais le Finab n’est pas consacré seulement au stylisme. Musique, cinéma, danse, littérature, théâtre et même gastronomie y sont également présents. « Le Finab est un grand marché d’exposition et de visibilité pour tous nos arts au Bénin », vante son promoteur avec enthousiasme.
Serial entrepreneur
Du Finab, ce trentenaire à l’allure contrôlée veut faire le plus grand marché des arts d’Afrique. Si l’ambition est grande, l’homme d’affaires entend avant tout participer à l’édification d’un écosystème encore peu structuré. « Notre objectif est d’impacter et d’apporter des solutions durables à nos problèmes pour créer de la richesse, explique-t-il. Par exemple, dans 90% des cas, un musicien qui chante au Bénin ne sait même pas comment se nourrir. À la fin de leur carrière, les artistes n’ont rien. Pour nous, il s’agit d’accompagner leurs carrières, qu’il soit plasticien, musicien ou autre, en créant un cadre qui mette en relation les acteurs nécessaires afin de rendre l’Afrique riche de ses propres richesses. » Et pour y arriver, l’homme peut compter sur son expérience.
Né en 1985, Ulrich Adjovi incarne avant tout la success-story d’un serial entrepreneur. L’expert-comptable, formé en France après son baccalauréat obtenu au Bénin, s’est déjà fait un nom dans le monde du divertissement dans son pays et la sous-région. L’histoire commence en 2013, lorsqu’il ouvre la discothèque « Le Calypso ». L’établissement connaît une croissance rapide et avec l’appui de son associé libanais Sohad Barbar, Ulrich Adjovi multiplie les investissements dans le milieu du showbiz.
Surnommé le « roi du divertissement », Adjovi détient, à travers sa holding le Groupe Empire (plus de 3 milliards de FCFA de chiffre d’affaires en 2022), plusieurs entreprises au Bénin. Dans la Haie vive, sa salle de jeux jouxte son restaurant Domino, ouvert 24H/24H pour servir les mélomanes sortant de sa boîte de nuit située à deux pas. En face, se trouve un glacier du groupe, et, quelques mètres plus loin, le salon de coiffure de l’homme d’affaires, mais aussi sa guest house qui accueille la plupart des invités de ses événements.
25 entreprises présentes au sein du groupe Empire
Représentant exclusif du label Universal Music Africa au Bénin, Ulrich Adjovi produit des artistes. Il est également l’un des acteurs les plus importants de l’événementiel. Chaque année, son groupe organise des concerts qui voient défiler des artistes internationaux sur les scènes de ses salles de spectacles, évidemment. Touche à tout, le « PDG », comme le surnomment certains de ses prestataires, investit également dans la zone industrielle spéciale de Glo-Djigbé. En 2023, le groupe Empire ne compte pas moins de 25 entreprises présentes dans cinq autres pays, le Nigeria, le Togo, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso et le Congo. « Comme on dit, c’est un empire et on ne peut pas voir les quatre murs d’un empire », ironise Adjovi à propos de la « nébuleuse ».
La clé de sa réussite ? D’abord, avoir la foi. Ensuite, faire toujours plus en étant constamment dans l’action. « Nous avons l’habitude, au groupe Empire, de ne pas faire les choses comme les autres. On essaie à chaque fois de pousser le bouchon plus loin », explique-t-il avec fierté. D’où ce mantra répété inlassablement à ses quelques 1 200 salariés : « On a toute la mort pour dormir et toute la vieillesse pour se reposer ». Quitte à essuyer des échecs ? « Chaque échec doit être un apprentissage », rappelle Ulrich Adjovi.
Fils de… mais pas que
Fils de Séverin Adjovi, ancien ministre et ancien maire de Ouidah, Ulrich Adjovi a parfois du mal à se défaire du poids de son patronyme. S’il entend souvent les critiques qui associent sa réussite dans le milieu des affaires à sa filiation, il n’en est pas moins agacé lorsque le sujet est évoqué. « Je me suis battu pour en arriver là, je n’ai pas eu un franc de mon père », proteste-t-il vivement. Mais ce passionné de grosses cylindrées concède : « quand on a la chance d’avoir un père qui s’appelle Séverin Adjovi, il y a des portes qui vous sont ouvertes.
Si des intrigues politico-judiciaires ont conduit son illustre père en exil, le jeune entrepreneur se dit en phase avec les réformes conduites par l’exécutif, notamment dans le domaine culturel. « Je n’ai jamais payé autant d’impôts que sous Talon, mais je suis très fier de les payer parce que le travail qui est fait est de qualité et nous pouvons tous en témoigner », résume habilement ce père de trois enfants, réputé proche de Lionel Talon, le fils du président béninois, lui-même promoteur d’un centre culturel à Cotonou et d’un festival de musique dont la première édition s’est tenue en décembre sur la place de l’Amazone à Cotonou.
À 38 ans, pas le temps de rêver pour Ulrich Adjovi. Homme d’action « non-stop », il prépare déjà la célébration du dixième anniversaire de la naissance du premier établissement du groupe Empire, alors que le Finab bat toujours son plein. Et lorsqu’il se projette dans la décennie qui vient, le jeune entrepreneur voit large. À court terme, il mise sur une introduction dans le monde des médias en vue de soutenir toutes ses autres activités. Son ambition : étendre un peu plus les tentacules de son groupe en Afrique, tout en s’efforçant d’« être un modèle pour la jeunesse africaine » en laquelle il croit fermement.
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