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JO Paris 2024 : Oumar Diémé, ex-tirailleur sénégalais et porteur de flamme

Publié le 28 mai 2024 Lecture : 4 minutes.

Dans son village du sud du Sénégal, l’ancien tirailleur Oumar Diémé voit comme un prodige la perspective de porter à plus de 90 ans la flamme olympique en France, lui le « rescapé » des guerres de décolonisation françaises.

Élégant dans son boubou vert olive, médailles et décorations sur la poitrine, Oumar Diémé songe à ceux qui ont porté l’uniforme français lors des deux Guerres mondiales ou, comme lui, en Indochine et en Algérie, et qui ne sont pas revenus. « Beaucoup de collègues y sont restés. D’autres sont revenus mutilés ou ne sont plus », médite-t-il, silhouette menue surmontée d’un calot bleu auquel est épinglé son grade de sergent.

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Une vingtaine d’hommes de Badiana, son village de Casamance, ont servi, avec diverses fortunes, dans le corps des tirailleurs sénégalais jusqu’à sa dissolution dans les années 1960, dit-il en français, assis sur une chaise en plastique, entouré des siens à l’ombre des fromagers et des manguiers dont les branches s’entrelacent au-dessus des maisons décaties en banco. Lui a « eu la baraka », de la chance. « Je suis le seul rescapé. Le choix de ma personne est un miracle », dit-il.

Rentré au Sénégal en 2023

Oumar Diémé fera partie des porteurs de la flamme quand elle traversera la Seine-Saint-Denis à la fin de juillet, peu avant la cérémonie d’ouverture des Jeux programmée le 26 juillet. Ce département situé au nord-est de Paris, il y a vécu, dans un foyer à Bondy, avant de revenir en 2023 au Sénégal. Et les organisateurs du relais de la flamme ont retenu la proposition de l’intégrer émanant du département.

Le président du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel, parle d’un « travail de mémoire indispensable » car, dit-il « les tirailleurs sénégalais ont trop longtemps été les oubliés de notre mémoire collective ». Oumar Diémé n’avait jamais entendu parler de la flamme. Il a dit oui quand même, mais « compte tenu de mon âge, je voudrais être accompagné par mon fils ».

Viêt Minh, Algérie…

Oumar Diémé est l’un des milliers d’Africains à s’être battus dans le corps des tirailleurs sénégalais, créé en 1857. Ils venaient en fait des colonies françaises en Afrique subsaharienne, et pas seulement du Sénégal. Il s’est enrôlé le 6 mars 1953 après avoir fui la Gambie voisine où son père l’avait envoyé étudier le Coran parce qu’il le voulait imam, comme lui. Faute d’état-civil, les recruteurs lui ont donné 20 ans. Il pense en avoir au moins un de plus.

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La même année, il s’est porté volontaire pour l’Indochine, où la France coloniale soutenue par les États-Unis combattait le Viêt Minh indépendantiste soutenu par la Chine. Il avait vu « les gens revenir avec des médailles et des décorations, ça me plaisait ». Là-bas, il a vu tomber 22 hommes de sa compagnie dans une embuscade, raconte-t-il. Il se rappelle aussi comment l’encerclement de Diên Biên Phu l’a empêché d’y arriver avec ses camarades avant la défaite décisive des troupes de l’Union française en 1954.

Rentré au Sénégal, il en est reparti en 1959 pour la guerre d’indépendance de l’Algérie (1954-1962). C’est là qu’il a appris l’indépendance du Sénégal en 1960. Rapatrié, il a été reversé dans l’armée du Sénégal et a pris sa retraite à 36 ans. Il a été garde à l’université de Dakar, puis coursier dans une banque de la capitale jusqu’en 1988. Après quoi, il s’est établi en France.

« En France, j’étais enfermé dans une chambrette de 17 m2 »

Oumar Diémé et d’autres anciens tirailleurs vivant à Bondy ont dû à nouveau livrer bataille, à l’État français cette fois. Il a fini par obtenir la nationalité française. En 2023, le gouvernement français a accordé aux derniers tirailleurs le droit de continuer à toucher le minimum vieillesse de 950 euros par mois sans devoir passer la moitié de l’année en France. Les autorités françaises chiffraient alors à 37 le nombre de tirailleurs vivant en France.

Lui et d’autres sont rentrés. Depuis, il alterne entre son village natal, où il achève la construction d’une vaste maison en dur, et la capitale, où vit l’une de ses deux épouses et mères de nombreux enfants. « Je suis très heureux d’être au milieu de ma famille. En France, j’étais enfermé dans une chambrette de 17 m2. Je ne voyais personne. Dans ce village, tout le monde m’aime », dit-il, le visage radieux.

Le choix de Diémé pour porter la flamme consacre les efforts d’Aïssata Seck, élue de Bondy et présidente d’une association pour la mémoire des tirailleurs. « C’est un beau symbole, encore plus aujourd’hui avec une actualité extrêmement difficile et la banalisation du racisme sur les réseaux sociaux, cela permet de montrer la richesse et la diversité de la France », dit-elle.

(avec AFP)

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Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com

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