Climat : l’urgence de données fiables pour « éviter les conflits et les guerres »
Publié le 14 avril 2025 Lecture : 3 minutes.
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« Le dérèglement climatique n’est plus une perspective lointaine mais une menace quotidienne en Afrique. » Le constat dressé par Youba Sokona à la tribune de la deuxième édition de la Conférence sur le changement climatique, la recherche et la résilience (2CRC), qui se tient du 14 au 16 avril à Djibouti, est accueilli par des hochements de tête aussi inquiets qu’approbateurs. Le Malien, qui compte plus de quatre décennies d’expérience dans le domaine de l’énergie, sait de quoi il parle : il est l’un des vice-présidents du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et le secrétaire exécutif de l’Observatoire du Sahara et du Sahel.
Pendant trois jours, 400 scientifiques, représentants d’institutions internationales et militants de la société civile se réunissent pour se pencher sur le cas de Djibouti, symptomatique des problématiques auxquelles doivent faire face les pays de la Corne de l’Afrique. Mais les enjeux sont loin de n’être qu’environnementaux. « Lorsque les ressources se raréfient, les tensions s’aggravent, a insisté le président djiboutien, Ismaël Omar Guelleh, dans son discours inaugural. Les conflits autour du bétail et de l’eau ne sont plus des exceptions, ils sont les signes avant-coureurs d’une crise plus large. »
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Confronté à des sécheresses prolongées, à la baisse des rendements agricoles et aux déplacements de populations provoqués par les conséquences du réchauffement, Djibouti est au carrefour de toutes les crises climatiques. « Notre objectif est de fournir des outils aux politiques pour éviter les conflits et les guerres », explique Nabil Mohamed Ahmed, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
6 % du PIB avalé par le changement climatique
Avant même que les travaux ne démarrent, un consensus se fait, parmi les participants à la conférence, sur la première urgence à laquelle il convient de répondre : la constitution d’une base de données fiables qui permettent d’évaluer l’état réel de la situation dans la sous-région. « Il y a une dichotomie entre les modèles globaux, qui annoncent une hausse des précipitations, et la réalité du terrain, où l’on constate des pluies plus fortes mais pas nécessairement plus fréquentes », alerte Mohamed A.K. Jalludin, directeur du Centre d’études et de recherche de Djibouti (CERD).
Lors de la précédente édition de la 2CRC, en 2022, un premier pas avait été franchi, avec la création de l’Observatoire régional de la recherche et du climat (Orrec) et le lancement d’une Alliance doctorale internationale pour l’adaptation climatique (ADAC). Djibouti, qui se rêve en future puissance spatiale africaine et envisage d’accueillir une base de lancement sur son sol, vient d’envoyer dans l’espace deux nanosatellites, Djibouti-1A et Djibouti-1B, afin de procéder à une modélisation précise du pays.
Pour constituer ce « modèle climatique adapté aux réalités locales », Djibouti bénéficie du soutien financier de la Banque mondiale, ainsi que de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Or les enjeux réclament plus de moyens : le changement climatique pourrait « coûter » à Djibouti 6 % de son PIB d’ici à 2050, selon le premier Rapport national sur le climat et le développement à Djibouti (CCDR), publié en novembre dernier par la Banque mondiale.
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« L’Afrique ne peut relever ces défis seule », a prévenu Mahamoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’Union africaine, qui a délivré un message en vidéo aux participants à la conférence de Djibouti. Rappelant que les multiples appels aux financements, lors des Conventions des Nations unies pour le climat (COP), restent trop souvent lettres mortes, et que les promesses – rarement tenues – étaient « insuffisantes », il a également enjoint les scientifiques et responsables politiques à se montrer inventifs et innovants. « L’Afrique doit penser en dehors des cadres », a-t-il plaidé. C’est, justement, ce à quoi les 400 participants qui sont rassemblés à Djibouti pour ces trois jours de réflexion ont prévu de s’atteler.
Article écrit publié en premier sur JeuneAfrique.Com