Bénin : Pourquoi le ministre Barnabé DASSIGLI et le préfet Modeste TOBOULA ont été limogés
A l’origine de ces mesures courageuses du gouvernement, des opérations irrégulières de lotissement et de transactions sur le domaine de l’Etat à Fiyégnon 1 dans le 12ème arrondissement de Cotonou.
(Bénin Révélé Mag) – Des mesures fortes et courageuses ont été prises par le gouvernement de Patrice Talon ce 20 février 2019 au terme du Conseil des ministres présidé par le président de la République. Le conseil a en effet décidé de relever de ses fonctions le préfet du département du Littoral, Modeste TOBOULA, et de confier son intérim, jusqu’à nouvel ordre, à Jean-Claude CODJIA, préfet du département de l’Atlantique. Aussi, le ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale, Barnabé DASSIGLI, a été limogé. Un décret présidentiel désigne le ministre des Transports, Alassane Séidou, pour assumer la gestion de ce département ministériel en attendant le remaniement technique du gouvernement.
A l’origine de ces mesures courageuses du gouvernement, les résultats des investigations relatives aux opérations irrégulières de lotissement et de transactions sur le domaine de l’Etat à Fiyégnon 1 dans le 12ème arrondissement de Cotonou. Le compte rendu de ces investigations a été présenté au conseil. Pour comprendre cette affaire, il faut revenir au contexte.
Le décret n°2005-684 du 03 novembre 2005 portant classement de la zone à vocation touristique exclusive de la Route des pêches a interdit toutes transactions et tout établissement de titres de propriété sur cette zone. En dépit de ce décret, des spéculations de toutes sortes ont été conclues sur le domaine et ce, jusqu’en 2018 et 2019 en violation de la loi.
Contre toute attente, le revirement
Face à cette situation, le Directeur général de l’Agence nationale de Promotion des Patrimoines et de Développement du Tourisme (ANPT) a, par lettre en date du 14 novembre 2017, attiré l’attention du ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale sur le risque d’opérations tendant à la prise de possession privée du domaine en attente d’aménagement au titre du projet de développement touristique.
Le ministre Barnabé DASSIGLI, par lettre datée du 20 novembre 2017, l’a rassuré qu’aucune opération du genre n’était entreprise et a même instruit les préfets de l’Atlantique et du Littoral aux fins de veiller à interdire et empêcher tous éventuels travaux de lotissement.
Seulement, contre toute attente, trois mois plus tard, soit le 08 mars 2018, le ministre instruit le préfet du Littoral par message radio aux fins de procéder à la levée de la mesure de suspension initialement prescrite. Il ouvre de ce fait la voie à la reprise des travaux de remembrement dans la localité.
Le 12 mars 2018, ce dernier s’y est conformé par un arrêté préfectoral portant levée de l’interdiction des travaux de lotissement de Fiyégnon 1. L’enquête a mis à jour l’intérêt personnel du préfet à effectuer cette levée, car il avait acquis trois parcelles d’une superficie totale de 533 m2 dans le domaine frappé d’indisponibilité, par personne interposée, et lesquelles ont fait l’objet de recasement à l’issue d’un artifice.
Le conseil des ministres indique qu’au cœur de ce scandale se trouve le Clément DARI, anciennement Secrétaire permanent de la Commission nationale des Affaires domaniales (CNAD) du ministère en charge de la Décentralisation. Clément DARI est, en réalité, promoteur du cabinet de géomètre qui a commencé les travaux d’état des lieux suspendus en 2001 dans la zone, et en a ainsi repris les rênes une fois admis à faire valoir ses droits à la retraite. A ce titre, il a attribué des parcelles à diverses autorités administratives et politiques. C’est prenant acte de la synthèse de ces enquêtes que le Conseil a décidé de limoger le préfet du département du Littoral et le ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale.
Un signal fort
Cette décision forte est un signal fort du président de la République, Patrice Talon, pour montrer que les mauvaises pratiques ne seront plus tolérés d’où qu’elles viennent. Même s’il il s’agit des personnes proches. Car, en dépit de l’affection qu’il lui porte, le président Patrice TALON n’a pas hésité à sanctionner sévèrement le préfet qui, par ailleurs, de l’avis général, a fait un bon travail à Cotonou.
C’est également une décision forte qui vient rappeler aux cadres et gestionnaires publics que les nouveaux paradigmes ne sont plus à la complaisance ni à la couverture de faits répréhensibles, que la gouvernance a changé pour ne tolérer aucune malversation, que chaque décideur publics doit remplir sa mission avec loyauté et probité.
Le président Patrice Talon vient ainsi de donner la preuve que sa lutte contre la corruption et sa politique d’assainissement des mœurs dans la gouvernance n’ont pas de couleur et n’épargnent personne.
Par Laurent Adjovi